Translate

mardi 30 novembre 2010

57 - Voilà, c'est fini …

En ce moment, il n'y a pas que des bonnes nouvelles, malheureusement. Celle-ci concerne ceux qui habitent le Bergeracois et c'est une bien triste nouvelle. À la veille de ces fêtes de fin d'année, il ne faudra pas songer aller voir Sébastien Palate dans son magasin Beaux-Arts Bergerac pour commander le chevalet, la mallette de peinture ou la boîte de pastels que l'on souhaite offrir.
Son magasin va fermer définitivement. Voilà, c'est fini, les beaux projets d'expositions que nous avions, le travail en commun que nous avions développé, les démonstrations dans son magasin que nous espérions faire. Voilà, c'est fini, il n'y aura plus de magasin Beaux-Arts à Bergerac, plus de galerie Beaux-Arts. Je rends hommage ici à Sébastien pour son courage et tous ces efforts malheureusement vains, qu'il a déployés avec acharnement pour maintenir son activité. Il aura su succéder dignement à notre chère Valérie qui tint pendant des dizaines d'années le rayon Beaux-arts chez Trillaud. Mais voilà, que faire quand le client ne daigne plus pousser la porte de l'enseigne.
Je voudrais aussi exprimer un coup de gueule, ce qui n'est pas dans mes habitudes. Un coup de gueule contre tous ceux qui n'ont pas joué le jeu. Contre tous ceux, peintres amateurs ou professionnels de la région, qui ont croisé Sébastien lors des multiples manifestations et vernissages auxquels il s'est rendu et qui ne sont jamais, ou si peu, venus lui acheter du matériel préférant sans doute les attraits de la vente par correspondance ou profitant de passages à Bordeaux ou à Toulouse pour faire leurs emplettes. Bien sûr, il y a la conjoncture qui n'arrange pas les choses et elle ne laisse aucun espoir au petit commerce chancelant.

En contrepartie, je voudrais remercier les autres, les clients fidèles et parmi eux, bon nombre de mes élèves inscrits à l'Académie ou au Club de Dessin de Couze. Merci à Sébastien pour son dévouement et sa gentillesse. Souvenez-vous qu'il nous a prêté sa salle d'expo pour y organiser nos ateliers du dimanche. Et cet atelier d'encadrement où il s'est mis à mes côtés pour vous aider à réaliser vos premiers encadrements "Caisse américaine".
C'était le départ d'une nouvelle activité pour lui et il nous a réalisé bon nombre de cadres et d'encadrements à des prix défiants la concurrence, sans les frais de port et du sur-mesure sans supplément. Mais cela n'aura pas suffi.

Et voilà, c'est bientôt fini… Désormais s'il vous faut du Pastelcard de 60 x 80 ou des crayons pastel, il vous faudra faire comme les autres, ceux qui n'ont pas joué le jeu, les commander sur Internet et si vous n'êtes pas connecté, prendre votre voiture et faire 90 km aller-retour pour aller voir à Périgueux ou au pire 200 km en allant à Bordeaux, tant pis pour vous.

lundi 22 novembre 2010

56 - Qu'avons-nous à partager ?

Certains ont tellement de choses à dire, à faire, à montrer et à démontrer, qu'une seule vie ne saurait suffire. Certains d'entre eux se laissent peu à peu habiter par la peinture jusqu'à ce qu'elle prenne toute sa place. Cela devient comme une évidence, ça s'impose à soi, on devient peintre à temps complet. Il faut en avoir la force de caractère et il faut en avoir l'âme. Je pourrais vous parler de tel ou tel peintre plus ou moins connu ou d'un de mes collègues pastellistes professionnels pour étayer mes propos. Je vais au contraire vous relater l'exemple d'un peintre amateur pour qui l'art graphique est en train de changer sa vie, peu à peu.
Lui (Pastel sec de Diane Rousseau)

Un jour, lors d'un stage de Gwenneth Barth, alors que j'étais son assistant, j'ai vu passer une jeune femme passionnée et déterminée. Elle tient, elle aussi, un blog et depuis notre rencontre, je garde un œil sur son travail. Du pastel sec, elle est passée au pastel gras, un médium dont je n'aime guère la pratique pour ma part, mais peu importent mes affinités. En fait, ce n'est pas tant son travail dont je vais vous parler, que sa manière d'aborder la peinture ou serait-ce la peinture qui est en train de la posséder peu à peu ?
La boucle d'oreille - autoportrait (Pastel sec de Diane Rousseau)

Diane est jeune, pressée, peut-être même impatiente sous un certain angle. Ce qui anime Diane, c'est son univers intérieur qu'elle construit à coups de pastels, de couleurs, de musiques, de lectures, de vie familiale, de jardinage, de cuisine. Tout ça peut sembler chaotique et en même temps son rêve semble à porter de main, au bout de la craie qui se transformera peut-être, un jour, en pinceau.
Quand on a la technique, mais qu'on n'a rien à dire, on fabrique de belles images, ce qui peut-être une fin en soi. Mais quand on a trop de choses à décrire, la technique peut vite paraître comme un carcan. Diane reviendra vers les fondamentaux quand elle aura cerné les limites de son expression et qu'elle se rendra compte qu'elle a encore bien plus à dire. Aujourd'hui, c'est délibérément qu'elle a laissé de côté cette technique et ses contraintes pour laisser le trop plein se déverser. Pour elle, une peinture ne repose pas entièrement sur ce qu'elle représente, mais aussi sur ce qu'elle symbolise.
Emily Rose (Technique mixte
)

Elle est honnête et sincère dans son travail. Cela dit, exprimer ses sentiments dans une peinture demande l’acquisition d’une habileté technique certaine qui peut donner justement toute liberté à s’exprimer pleinement. Après l'émerveillement et l'attrait de la découverte, elle reviendra vers l'acquisition de cette technique, forte de son expérience, de son vécu. En tout cas c'est ce que j'espère et ce que je lui souhaite. Il serait dommage qu'elle se contente du simple plaisir de peindre avec toute la passion qui l'habite. Il faut pousser les frontières, chercher toujours à aller un peu plus loin, approfondir, peaufiner son langage visuel, se remettre en question sans cesse. C'est comme n'importe quelle discipline, tout est question d’entraînement régulier et de recherche de solutions. Rien n’est simple et le meilleur ne peut émaner que d’un engagement total et profond. Je crois que Diane est capable d'aller jusque là.
Les célestes (Technique mixte
)

lundi 8 novembre 2010

55 - Adieu Jean-Pierre

Jean-Pierre Mérat, Président de la Société des Pastellistes de France, nous a quittés.

Nous sommes orphelins d'un homme que certains ont encensé et d'autres réprouvé. Nous sommes orphelins d'un homme qui se révéla être un guerrier inlassable pour sa cause et sa passion : le pastel ; même si parfois il se trompa de bataille, nul ne s'est autant battu que lui pour notre art et tous aujourd'hui, aussi bien les pour que les contre bénéficient de ses victoires. Si les associations de pastel fleurissent dans l'hexagone, c'est grâce à l'aura de la Société des Pastellistes de France (SPF) qui leur sert d'émule. Si des expositions consacrées au pastel se font jour ici et là, c'est grâce au prestige des salons de la SPF et à leur renommée. Si des noms comme Chris, Picoullet, Barth, Caro, Martin, Thomas et bien d'autres vous sont désormais familiers, c'est grâce au travail de la SPF. Si vous pouvez acheter un numéro "spécial pastel" de Pratique des Arts, c'est toujours le fruit de cet inlassable combat de la SPF.
Remontons dans le temps pour comprendre l'histoire de cette Société :
Au XVIIIe siècle le pastel atteint une renommée inégalable essentiellement par ses portraitistes Rosalba Carriera, Maurice Quentin de la Tour, Jean Etienne Liotard ou encore Jean-Baptiste Perronneau. Puis la pratique du pastel se "féminise", technique enseignée aux jeunes filles de bonne famille, le pastel devient une pratique d'amateurs, un talent de société. Il est délaissé au XIXe siècle. Puis renaît de ses cendres à la fin de ce siècle.
L'année 1870 marque la fondation, à Paris, de la Société des Pastellistes, suivie en 1880, par la première exposition à Londres de son homologue britannique, la Pastel Society. La Société des Pastellistes est animée, en 1885, par Albert Besnard, académicien, nommé président, qui exposera d'illustres artistes, comme Helleu, Lévy, Puvis de Chavanne, Henri Gerveix, membre de l'institut qui fut le deuxième président de la Société qui deviendra la Société des Pastellistes Français et qui accueillera Berthe Morisot, Toulouse-Lautrec, Degas, Mary Cassatt. Mais le XXe siècle est un siècle de doute et de remise en cause. Le cubisme, le surréalisme et l'abstraction font leur apparition, la seconde guerre mondiale interrompt les activités de la Société des Pastellistes Français et le pastel sombre dans l'oubli.
En 1984, une petite équipe de passionnés décide de faire revivre cette société sous le nom de Société des Pastellistes de France, Jean-Pierre Mérat en est le président. Il aura fallu entreprendre une véritable " croisade " de plus de 25 ans pour faire redécouvrir l'art du pastel. Informer le grand public, convaincre les artistes pour qu'ils consentent à s'y intéresser de nouveau. Organiser des salons et y inviter les grands pastellistes étrangers, notamment les artistes anglais, américains, canadiens, australiens, l'enseignement de l'art du pastel n'ayant jamais été abandonné dans les pays anglo-saxons, alors qu'en France, le pastel était devenu un simple moyen d'étude rapide.



Aujourd'hui je suis orphelin d'un homme dont j'avais en commun cette passion pour les femmes, même si, oralement, nous ne l'exprimions pas de la même manière, mais derrière nos chevalets, nous avions en tête cette même image de la beauté. Je suis orphelin de cet homme qui m'a conforté dans ma passion pour ce médium, m'a encouragé, m'a aidé en me disant que désormais je ne serai plus seul. Grâce à lui et à la Société, j'ai fait connaissance de pastellistes prestigieux. J'ai pu apprendre auprès de peintres talentueux et enfin exposer moi-même au sein de ces salons. Je lui en serai reconnaissant toute ma vie. Je vous livre ci-dessous un texte qu'il m'avait envoyé à une époque où l'incertitude était mon lot quotidien :

Si tu peux ...

Si tu peux n'être jamais satisfait de ton ouvrage,
Et, sans te décourager, poursuivre la perfection,
Te remettre en question lorsque tu te crois génial,
Et, sans un soupir, continuer à apprendre ton métier ;

Si tu peux être passionné sans te mentir à toi-même,
Si tu peux faire taire ton orgueil et savoir rester humble,
Et, te sentant incompris, poursuivre ta quête sans relâche,
Sans cesser de lutter pour atteindre ton idéal ;

Si tu peux ignorer les modes folles qui font se pâmer les sots,
Si tu sais t'amuser des médisances comme des flatteries,
Admirer les belles œuvres de tes aînés et de tes confrères
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu peux œuvrer malgré les échecs sans courir après la gloire,
Si tu sais rester sage devant les honneurs éphémères,
Et, sans en être dupe, t'interroger sur la valeur de ton travail,
Et continuer à parfaire ton talent pour mieux servir ton art ;

Si tu sais observer et t'émerveiller des beautés de la nature,
Si tu peux, à ton tour, faire rêver les pauvres et les riches,
Apporter à des inconnus un instant de bonheur,
Sans jamais te croire supérieur à eux ;

Si tu remercies les dieux d'avoir la chance d'exercer ton art
En te laissant être ton propre maître et ton seul juge,
Si tu sais que cette liberté se mérite et que tu dois en être digne,
Si tu sais te respecter en respectant les autres,

Alors les gueux, les princes, les rois du monde t'envieront,
Ils seront à tout jamais tes amis, toi qui leur offres la Beauté
Pour leur faire oublier les folies de leur vie,
Alors, tu seras un artiste, un vrai.

hommage à Rudyard Kipling
Jean-Pierre MÉRAT

Je terminerai ce message par les propos du peintre américain Nichola Simmons, qui les attribue à l'aquarelle et qui sont tout aussi valables pour le pastel : "Ne persistons pas à vouloir séparer l'aquarelle - et le pastel - des autres techniques et du reste du monde de l'art. Le statut injuste et pourtant traditionnel, de technique de deuxième catégorie est une idée fausse ! Un regard, même sommaire, sur les œuvres produites par les artistes d'aujourd'hui suffit à le démontrer. Cependant cette notion persiste dans les musées, parmi les conservateurs, les galeristes et certains artistes. On a souvent expliqué ce phénomène en arguant des problèmes de tenue dans le temps et d'hypothétique fragilité, mais l'évidence de l'histoire ainsi que les nouveaux matériaux sont autant de preuves de l'invalidité de ces arguments. L'avenir de l'aquarelle - et du pastel - dépend d'un démantèlement réussi de ces barrières et de la réussite du défi de faire découvrir ces médiums à un nouveau public plus jeune."

Que la Société des Pastellistes de France perdure et qu'elle sache qu'elle pourra toujours compter sur mon aide et mon soutien.

mardi 2 novembre 2010

54 - L'idée d'un futur tableau

Je me suis remis au travail dans mon atelier, l'occasion d'illustrer le dernier billet "Qu'avons-nous à raconter". Je vais profiter d'un futur tableau dont j'imagine un titre simple : Le poulailler, pour vous conter la conception d'un tableau.

C'est avec Michèle au printemps dernier, qui m'a consacré une matinée entière pour m'entraîner chez des voisins cultivateurs, qui avaient dans un coin, de vieilles carcasses susceptibles de m'intéresser, à leur grand étonnement d'ailleurs. C'est ainsi que j'ai découvert ce fourgon Citroën, séparé à jamais de sa cabine de pilotage, qui a servi, dans une deuxième vie, de remorque et qui depuis quelques années a entamé une dernière carrière d'abri pour les volailles.

LE SUJET
Contrairement à "La bergerie", dont la composition était centrée sur le véhicule ce qui, à mon avis et après coup, n'est pas la plus judicieuse, je voudrais réaliser un tableau beaucoup plus dynamique et pas uniquement basé sur l'ambiance du lieu et l'incongruité du sujet. Donc je vais sortir de son contexte ce poulailler pittoresque pour l'introduire dans un autre paysage plus ouvert.

Voici l'exemple d'un travail en atelier, avec une approche lente et tranquille qui permet une bonne réflexion sur le futur tableau et qui laisse vagabonder mon imagination. L'apport de la photographie, dans ce cas, est une aide précieuse et je fais appel à une véritable banque d'images, stockées sur mon ordinateur, pour trouver le lieu qui conviendrait le mieux à mon poulailler. Mais les photographies ne seront que de puissants aide-mémoire sans pour cela influencer l'idée de base de mon tableau. Mon ancien emploi dans la documentation industrielle m'a familiarisé avec les technologies modernes et le traitement de l'image numérique. Aujourd'hui, je me sers de cette expérience pour que cette technologie soit au service de mon expression artistique.

LA COMPOSITION
Je choisis un papier Pastel Card de 60 x 80 de chez Sennelier, avec l'idée de faire un tableau suffisamment grand pour que je puisse travailler la texture de mon poulailler Citroën que je trouve passionnante ainsi que sa couleur. Puis j'entame une recherche de composition en fonction de la position de mon ex-véhicule. En peinture tout est affaire de dualités à de juste équilibre. Premières dualités a évaluer, celles de la composition à savoir : haut / bas, gauche / droite, avant / arrière, grand / petit.


Comme j'ai choisi d'"ouvrir" mon paysage, j'aimerais inviter le spectateur à y voyager, en allant donc de droite à gauche. Une composition triangulaire s'impose que je vais souligner à l'aide d'une clôture qui suivra la perspective et la direction donnée par la position du fourgon. Puis je contrebalance cette direction par une ligne de poteaux électriques bordant une route ou un chemin pour ramener le spectateur vers le fond du paysage. Je vais y placer quelques habitations pour y attirer son regard. Pour le ciel, qui devra traduire la profondeur du paysage, je choisis de lui donner une forme triangulaire à peu près équivalente au premier plan, à la recherche du juste équilibre haut-bas et avant-arrière. Pour avancer mon premier plan et signaler la dernière fonction de mon ex-fourgon, je place quelques poules et j'en termine ainsi avec la dernière dualité grand-petit.

LES VALEURS
Une seule dualité mais tellement importante : foncé / clair, autrement dit ombre / lumière. C'est elle qui va faire naître l'ambiance du tableau et faire voyager le spectateur. La lumière est à gauche en contradiction avec l'orientation du fourgon.



L'ambiance sera relativement claire pour un sentiment d'énergie et d'ouverture, mon idée première. Les quelques plans sombres vont attirer le regard, comme l'ouverture du poulailler. Mon idée de départ est maintenant bien précise, j'ai une image de mon tableau achevé dans ma tête. Je vais pouvoir peindre.

ASTUCE
Je termine par une autre utilité, qui peut paraître étonnante, de l'appareil photographique. Je m'en sers pour me rendre compte de l'évolution de mon tableau. En effet, regarder son tableau dans la fenêtre du viseur en donne une autre dimension, un effet similaire à celui du miroir mais sans inversion de l'image. De plus, la technologie moderne permet d'afficher immédiatement l'image sur un écran et par ce biais je parviens à mieux analyser mon travail et à avoir le recul nécessaire, ce qui m'est plus difficile face à mon chevalet.


PS : Blogger a rajouté sous la vidéo, un bouton à droite avec 4 petites flèches qui en désignent les 4 coins. Si vous cliquez sur ce bouton, normalement, la vidéo s'affichera en plein écran.